L'homme à la bouteille vide

Mercredi 28 juin 2017

L'homme à la bouteille vide était pourtant le plus beau du Royaume autrefois...
Il est né un jour de juin.
De ceux où les oiseaux annoncent de grandes nouvelles, de ceux où le soleil commence à réchauffer les cœurs...
Cet homme-là aurait pu faire n'importe quel métier, il était fort et courageux.
Avec ses cheveux noir corbeau et ses yeux canailles il savait faire chavirer le cœur des filles et s'attirer les foudres des hommes.

Lorsqu'il entrait quelque part les gens lui tapaient sur l'épaule avec cette convivialité typique de nos régions du sud.
On l'appelait "Mon Seigneur" et chacun attendait avec impatience d'entendre ses nouvelles aventures!
Quand il commençait son histoire, toute l'assemblée buvait ses paroles comme un bon vin frais.
Il faisait de grands gestes comme au théâtre et sa voix forte résonnait dans les murs.
Les gens riaient aux éclats et les verres se remplissaient à chacune de ses tirades!
Il était connu comme le loup blanc, l'enfant du pays.
Le Seigneur aux cheveux noir s'était laissé pousser la moustache, il aimait plaire et s'habiller en conséquence.
 Il n'était pas riche mais sans être pauvre non plus.
Fils d'une femme de caractère et d'un père absent, cet homme-là n'avait pas véritablement de soucis dans sa vie.
Les copains de cafés, les femmes éphémères dans son lit et les parties de chasse rythmaient son quotidien. 
Et puis un jour, sans s'en rendre compte le coup de foudre lui a percuté le crâne, le cœur et les jambes.
Là, dans le même restaurant où travaillaient sa mère et sa sœur, se trouvait le feu d'artifice de sa vie... 
Elle était belle, sauvage et travailleuse.
Elle aussi avait les cheveux noirs, comme lui.
Et puis ses yeux bruns...si transperçants de fougue, si remplis de colère! C'était Elle.
Lui qui aimait les femmes comme les cigarettes avait soudain décidé d'arrêter de fumer.
La fille aux yeux sombres attirait le regard de chaque homme.
Certains venaient manger ici chaque jour de la semaine uniquement dans l'espoir de l'apercevoir tenir son plateau de serveuse...
Cette histoire-là aurait pu se terminer comme dans tous les contes de fées vous savez...
Mais malheureusement le destin en avait décidé autrement.

 Après un beau mariage, une petite maison bleue en bas du village et un espoir d'enfant futur, le ciel s'assombri...

Un dimanche, le téléphone sonna.
C'était un de ces appels que l'on n'oublie jamais dans une vie, de ceux qui continueraient longtemps a vous faire frissonner dès que le téléphone se manifestera...
L'annonce est brève, glaçante, tétanisante et tellement irréelle à la fois.
Le frère du Seigneur à eu un accident, grave, on n'a rien pu faire.

Alors que faire?
Pleurer. Hurler. Marcher. Pleurer. Mourir...?

Et c'est ainsi que la même année une petite fille est née.
Tout le monde avait pourtant attendu son arrivée avec impatience, mais malgré tous ses efforts, le regard des autres resterait triste.
Elle était née avec un mois d'avance et avait les grands yeux bruns de sa mère.
Autour de cette enfant le chaos était devenu une habitude, les cris et les coups résonnaient comme n'importe quelle mélodie pour endormir les bébés.
Mais elle aimait le Monde, la vie.
Cette enfant n'était pas née par hasard vous savez, elle savait qu'elle ne pouvait pas sauver sa famille, mais elle s'était promis qu'un jour elle arriverait à guérir le Monde et à le faire sourire.

Les belles et longues histoires du seigneur ne sont plus que des cris et des mots confus.
Ses yeux sont vides et sa voix étouffée par le chagrin.
Cet homme-là a pourtant pleuré, hurlé et marché aussi ce maudit dimanche, mais rien n'y a fait... 
Certes lui n'est pas mort, mais il ne semble plus savoir vraiment quoi faire de sa vie désormais.
Que serait le Monde si chacun de nous connaissait son sort dès la naissance?
Personne n'aurait pu savoir alors, personne n'aurai cru que cet homme ne deviendrait jamais roi.

Alors il fume, il consomme les femmes de nouveau, et reprend sa vie de seigneur des cafés.
La fille aux yeux sombres claqua la porte un matin en emportant les souvenirs, les meubles et la petite fille.
La maison bleue est bien silencieuse désormais...
Et puis où sont-elles? Que font-elles? Et puis quel jour sommes-nous déjà??..
L'homme à la bouteille vide n'est maintenant que l'ombre de lui-même.
Les gens commence à ne plus rire de ses histoires, il boit trop et a du mal a se souvenirs des choses.
De toute façon tout le monde sait bien que c'est pour cela que sa bouteille est toujours vide, pour oublier...
La violence et le chagrin ont remplacés son courage et sa joie de vivre.
Il ne verra pas sa fille grandir, il le sait désormais.
Et puis c'est sa faute aussi, il a tout gâché, non c'est sa faute à elle d'abord! Elle, la diabolique qui lui a pris sa fille, méchante! Oh et puis il ne sait plus, il n'arrive plus à se rappeler de toute façon...

Les bouteilles sont vides.
Et son cœur aussi.
Lui le seigneur des cafés, avait pourtant tellement de choses a vivre.
Sa fille est grande maintenant, il a réussi à la retrouver, un peu.
Mais l'alcool a même anesthésié le souvenir de sa date de naissance... quel âge a-t-elle?
Et puis elle ressemble tellement à sa mère.
Elle ressemble un peu à lui aussi, le nez et le rire surtout.
Ce détail lui transperce le cœur, son pauvre cœur détruit et sec...
Vite! Un verre VITE.

 Il a eu un fils aussi, avec une autre femme, mais malheureusement pour ce petit garçon aussi il n'a pas eu la force de réparer son âme.
Alors, en secret, quand personne ne le voit il regarde des photos de quand ses enfants lui tenaient encore la main et que le ciel était doux.
Vous savez, l'homme à la bouteille vide sait bien que sa vie est fichue.
Il le sait parce que c'est son choix, il a choisi de la détruire.
C'était son destin, il l'assume à chaque cigarette qu'il respire, à chaque verre de poison.
Et sa fille, il le sait, saura comme lui raconter des histoires pour faire rire les gens tristes, avec les mêmes gestes que son père.
Parce que malgré les malheurs, le ciel noir et les bouteilles vides, c'est son sang qui coule dans ses veines et c'est elle qui sauvera les étoiles à sa place.
Il fait partie de ces hommes sombres que les esprits n'oublieront pas.
Et dans un milliard d'années dans les cafés du sud, on racontera encore l'histoire de ce Seigneur aux cheveux noirs.
Celui qui aimait les femmes, le vin et les cigarettes.
Celui qui jouait de l'harmonica pour faire apparaître la magie dans les yeux de sa petite fille.
Celui qui portait des chemises ouvertes et une petite clé en or sur le torse.
Celui qui par chagrin, décida de tuer sa propre existence pour oublier les gens disparus...

Et les soirs d'été, lorsque le soleil se couche et que le vent chaud caresse les joues, certains disent que si vous fermez les yeux, vous pourrez encore entendre sa voix forte vous raconter l'histoire du Monde avec des sentiments d'autrefois et un petit rire d'enfant qui le suit partout... 



"A mon père."










Commentaires

  1. Oh La la c est juste magnifique. Tu écris merveilleusement bien 😘

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  2. C'est tellement emouvant de vous lire

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  3. Quel courage ma belle, félicitations

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  4. Très touchant, émouvant cet article ! Tu écris vraiment très bien

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    1. triste réalité mais tellement bien relatée qu'elle n'en devient pas difficile a lire ,très belles paroles , félicitation

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