Les anonymes de la saint Anthelme



Et oui ce n'est pas une blague, aujourd'hui nous fêtons le saint Anthelme, même si personne ne s'appelle comme ça depuis 1655!
Arlette, qui devait être mon portrait d'aujourd'hui a dû annuler pour raison de santé (je pense d'ailleurs très fort à elle et espère la rencontrer bientôt ️).
J'ai donc décidé de mettre à l'honneur les anonymes du jour!

En effet me voilà assise en plein épicentre de la ville: le boulevard de la République d'Agen.
Dis comme ça on s'attendrait presque à voir le défilé du 14 juillet débarquer !
Et bien non, c'est bien calme ce matin. Beaucoup de magasins sont fermés en ce lundi.
J'ai choisi un banc qui trône en plein milieu du passage, personne ne pourra m'échapper!
Le temps est bien nuageux mais au moins l'air est respirable...

La première à s'approcher est une femme de la quarantaine, sa maigreur me surprend instantanément.
Elle porte une robe rouge flamboyante comme une alerte incendie.
Est-ce un moyen pour elle d'appeler à l'aide ..?
Elle est belle pourtant avec ses cheveux blonds qui lui retombent  sur les épaules.
Elle porte aussi de bruyants talons noirs et à chacun de ses pas je crois que ma respiration s'arrête, car ses jambes et ses chevilles sont tellement amaigries que j'ai peur qu'elle s'effondre à terre...
Pourtant elle s'en fiche, elle regarde l'horizon comme si elle savait que son destin se trouvait au bout de cette rue.
J'ai l'impression qu'un simple coup de vent suffirait à lui briser les os, mais je l'admire et la suit du regard.
Voilà, elle a tourné à gauche...
Adieu Dame en rouge... et bonne chance.

Perdue dans mes pensées je ne remarque pas que je suis observée! Voilà qu'une montagne de tissus fleuris me fonce dessus ! Une petite dame toute bancale et pleine d'énergie s'assoit brusquement à côté de moi, me forçant même à lui faire de la place sur mon fameux banc (qui pourtant était bien assez large!).
Elle doit avoir dans les 70 ans, ne cesse de sourire, un accent maghrébin bien prononcé et un sac à main aveuglant de paillettes!
La voilà qui me tend son pauvre téléphone portable, qui visiblement doit l'énerver depuis plusieurs heures, et qui m'explique qu'elle veut appeler sa fille Drissia mais qu'elle ne comprend rien à cette "saloperie "!
Évidemment (et ça n'arrive qu'à moi) je m'affaire à la tâche.
Finalement après un appel assez sonore elle reste un peu, j'ai dû m'attirer ses bonnes grâces.
Ça la fait rire de me voir écrire sur mon petit cahier, et puis je crois qu'elle est curieuse comme une petite souris 😉.
Alors je lui explique que je raconte ce que je vois et qu'elle sera elle aussi sur le papier.
Elle rigole de plus belle et s'en va en me faisant un bisou de la main avant même que j'ai pu connaître son nom... en une minute ma montagne de tissus fleuris c'était donc évaporée aussi vite qu'elle était entrée.

Les gens sont tellement intéressants à regarder.
Il y a les mamans marathon qui poussent leur poussette comme un jour de Jeux Olympiques.
Les promeneurs de chiens qui continuent d'avancer même quand leur animal est en équilibre sur trois pattes le temps d'un pipi.
Les gens en vélo qui se regardent passer dans le reflet des vitrines au risque de percuter quelqu'un.
Et puis aussi mes préférées "les tribus sardines"; ces petits groupes de personnes qui marchent ensembles à la même vitesse et qui se collent comme des sardines. On dirait des joueurs de foot lors des penaltys !
Il y a aussi ces gens du pays, que j'adore. Ceux qui parlent fort avec notre bel accent et qui inventent des expressions que personne ne connaît.

Un petit couple de personnes âgées passe près de mon banc, sans me voir.
Elle, se déplace grâce à ses cannes anglaises et lui, tient son sac à main en lui tendant son bras amoureusement.
Ils avancent tranquillement, comme si le temps n'avait plus d'importance...

Il y a les hommes en chemises qui marchent d'un pas décidé en hurlant dans leur smartphone que, je cite, "c'est inadmissible!".
Et puis il y a les pigeons... AAAAAH les pigeons! Je les a-do-re !
Personne ne fait vraiment attention à eux et pourtant ils sont tellement drôles !
Il faut les voir déambuler maladroitement comme des automates, tout doucement d'abord et puis d’un coup ils accélèrent ! Comme des fusées mal réglées à la conquête de la miette perdue !
Je ne m'en lasse pas vous savez, et je rigole toute seule à chacun de leurs "top départ".

Voilà un nouveau personnage qui rentre en scène, l'Adolescent.
Casque vissé sur les oreilles, portable à la main, sac à dos personnalisé sur les épaules.
La panoplie parfaite.
L'adolescent ne sourit pas, il ne regarde personne, il est "connecté" messieurs dames.
Et d'ailleurs il s'en fout des autres, les autres c'est chiant et c'est ringard.

Oh! Revoilà le couple de personnes âgées de toute à l'heure.
Ce coup-ci ils m'ont vu et me sourient par-dessus leurs lunettes.
Je ne m'attendais pas à attirer l'attention.
Je leur dirais bien que je parlerais d'eux ce soir mais je ne suis pas sûre que ça ait de l'importance...
Aujourd'hui un ami m'a dit "j'aime bien entendre tes histoires parce que tu es une femme intéressante, gentille et moche", évidemment cette phrase m'a fait beaucoup rire alors je voulais la partager avec vous.

Je me demande ce que deviennent tous ces gens après avoir tourné au coin de la rue...
Bref, bientôt midi. Les pigeons sont tous à leurs postes et prêts à en découdre !
Mais qui vois-je ??? Deux témoins de Jéhovah dites donc!
Que du beau monde ce matin 😀
Toujours habillés pareil hein, chemises blanches et cravates noires accompagnés de leurs petites mallettes remplies de prospectus indésirables...

Celles que je trouve toujours très drôles ce sont les femmes qui d'un coup se retrouvent complètement dépassées par leurs achats, vous savez celles qui ont commencées par une petite pochinette de rien du tout et qui brusquement adoptent une démarche de funambule tellement qu'elles croulent sous le poids de leurs trouvailles!

Je lève les yeux au ciel, toujours pas de pluie.
Je remarque une dame au dernier étage d'un bâtiment, accoudée à la rambarde de son balcon.
Elle regarde le Monde passer, elle aussi. Elle a mis des plantes vertes et des moulins à vent partout sur sa terrasse, mais je crois qu'il n'y a que moi pour admirer tout cela...
Quand je reviens sur terre il y a deux jeunes amoureux qui ne doivent pas dépasser les 16 printemps...
Je suis prête à parier qu'ils ont raconté à leurs parents qu'ils allaient à la bibliothèque ! Ils me font sourire avec leur manière timide de se tenir par la main, comme si c'était puni par la loi.
Bon il est temps d'aller manger, tout le monde (pigeons compris) a déserté.

Me voilà en terrasse Messieurs Dames !
Je demande à la première serveuse que je trouve s'il est encore possible de manger en cette heure tardive.
Elle doit être nouvelle je pense car je vois que je l'angoisse une peu.
Elle a les cheveux très courts et déborde de gentillesse, son sourire est poli et je vois qu'elle se donne du mal pour faire tout comme il faut.
Entre dans la danse un jeune garçon qui, je pense, vient en renfort.
Je comprends de suite qu'il connaît la maison.
Il a des airs de jeune branché décontracté, limite globe-trotter.
Il remarque immédiatement mon cahier ouvert et mon stylo prêt à écrire... il est énergique et souriant.
Il me parle de mon tatouage au bras bien avant le menu du jour et me raconte spontanément qu'un ami à lui est tatoueur.
Pour la petite anecdote ce dernier eu la maladresse de tatouer deux fois la même date de naissance sur le corps d'un jeune fille qui souhaitait la sienne et celle de son compagnon.
Heureusement donc, puisque la dite jeune fille est revenue 1 mois après pour le remercier de sa maladresse, le couple venait de se séparer et le pire avait donc était évité!
Bref, revenons un peu à nos moutons et surtout à cette fantastique bavette, un délice.
 
Je tiens aussi à vous parler un peu de certains spécimens ici présents.
Le vantard tout d'abord.
Celui qui se tient comme s'il était dans son canapé et qui raconte à qui veut bien l'entendre qu'il a conduit six Boeing 747 avec ses pieds et sauvé quatorze belles femmes de la noyade dans le port de Saint-Tropez.
Sérieusement.
Ces gens sont vraiment constitués comme nous ? Je veux dire cérébralement parlant?...

N'oublions pas également LE sale con de terrasse qui bien sûr trouve toujours le café trop froid, le service trop long, le vent trop fort et SA table trop bancale...
Et évidemment c'est celui qui s'installe juste à côté!
Je ne sais pas pourquoi ce genre de type trouve toujours le moyen de faire ses remarques bien fort pour que toooooooooooous le monde entende, et à peine sa phrase terminée il affiche un grand sourire de vainqueur en cherchant tout autour de lui l'acclamation du "public".
Comme si toute l'assemblée allait se lever en faisant une grande Ola générale en hurlant "Ouaiiiii !!!Bien dit Michel! Et pour MicheMiche HIP HIP HIP!!!!"
...

Moi en tout cas je me suis régalée!
J'aime les gens d'ici, j'aimerais passer toute ma journée à écrire sur ma petite table ronde.
Dans mon petit coin, ici je vois tout le monde.
La dame à ma droite qui me vois écrire en mangeant pense que je suis critique culinaire, elle vient de le dire à sa copine.
Alors je rigole.
Il y a des filles dans des minis robes, ou des minis robes dans des filles ça dépend comment on analyse la surface couvrante du tissus...
J'ai perdu ma petite serveuse aux cheveux courts.
La terrasse est pratiquement vide maintenant.
Le jeune serveur de tout à l'heure est aux petits soins et rigole à chacune de mes commandes!
Il me dit avec son sourire "j'ai l'impression de servir une enfant".
Suis-je vraiment la seule à boire de la limonade? N'y a-t-il que moi pour ne pas aimer les ananas parce qu'ils sont durs à manger ? Et oui…je l'avoue je bois encore du chocolat après le repas parce que le café c'est pour les grands...

Il me fait rire ce serveur, avec ses cheveux qui dansent dans le vent il tourbillonne comme une feuille entre les tables.
Il porte des lunettes mais il a tellement les yeux rieurs qu'on les oublies totalement.
Quand on le regarde faire on a l'impression qu'il est né ici, au milieu des tables et des menus du jour.
Il est à l'aise avec n'importe qui et avec n'importe quoi dans les mains.
C'est un magicien de la commande.
Il joue avec son plateau et jongle avec ses tickets.
Il me parle de son arrière-grand-mère, décédée il y a deux jours,  et de la vie qui continue.
C'est un enfant lui aussi, mais il sait comme moi comment la vie doit être vécue.
Il dit qu'il joue de la musique, qu'il s'appelle Cédric et que mon blog est une super idée!
L'heure a tourné sans que je m'en rende compte, il finit son service lui aussi.
Encore de belles rencontres aujourd'hui...

Avant de partir Monsieur Cédric, n'oubliez jamais ceci:
L'essence même de la vraie vie restera toujours dans le chocolat au lait et les sourires enfantins...
Merci mon ami et au plaisir de vous revoir.

Commentaires

  1. Je pense que tu es la seule auteure, qui pourrait me faire lire tout un livre en entier. Je suis toujours déçu quand le point final de ton histoire pointe le bout de son nez !
    ( Le saligaud ! )
    Continue en "encore et encore" comme dirait Francis !
    À bientôt sur une nouveau portrait.

    Signé, l'inconnu de la saint Anthelme.

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  2. Toujours aussi bien écrit, continue ma belle, on adore

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